mercredi 7 octobre 2015

Les femmes à Enampore [Par Karine]


Marie Joséphine est une femme très souriante avec une forte personnalité. Elle est née il y a 40 ans à Enampore d’une famille catholique. Avant la colonisation française, toute la communauté était animiste mais depuis le début du 20ème siècle, de nombreux habitants se sont convertis au catholicisme ou, plus récemment, à l’islam. Les animistes restent majoritaires mais les 3 communautés cohabitent sans conflit. Le mari de Marie Joséphine est également un enfant du village mais de confession musulmane et chacun pratique sa religion dans le respect de l'autre.

De nombreuses traditions liées aux croyances animistes sont malgré tout encore respectées aujourd’hui et forment le ciment culturel qui unit tous les habitants.
Un des interdits propre au Diola du royaume d’Enampore est que personne n’a le droit de faire couler le sang humain. Ce tabou en fait une communauté non violente ce qui a protégé le Royaume pendant le conflit entre les indépendantistes de  Casamance et l’armée sénégalaise. Cet interdit a aussi sa traduction dans le couple : il ne peut y avoir de violence entre époux et si un mari tente de lever la main sur sa femme, il sera battu à son tour par les femmes du village puis par les hommes. Il semblerait qu’aucun homme ne s’y risque une deuxième fois. De même, un homme ne doit jamais voir le sang d’une femme et ne peut donc pas assister à la naissance de ses enfants. Lorsque Marie Joséphine a accouché son mari n’a pu venir la voir qu’après qu’elle soit retournée à la maison soit sept jours après la naissance.


Dans le passé, les femmes se rassemblaient régulièrement dans le bois sacré pour partager leurs préoccupations. Aujourd’hui, des réunions de femmes regroupées par quartier se déroulent sous un arbre du village une fois par semaine. La présence de chacune est obligatoire sous peine de pénalités financières. Lors de ces réunions elles débattent de leur quotidien et décident de l’affectation de la trésorerie dont elles disposent. En effet, une somme est versée en début de mois par chacune d’entre elles constituant ainsi peu à peu une épargne collective qui peut être utilisée pour financer sous forme d’un prêt un projet ou une dépense imprévue. Au bout d’une année, en général au mois d’octobre, les femmes récupèrent les montants épargnés augmentés des intérêts payés par celles qui ont bénéficié de prêts. Grâce à ce système Marie Joséphien a pu participer au financement de la scolarité de ses 3 enfants.

C’est encore en groupe que les femmes s’occupent du maraîchage. Elles se partagent les récoltes et peuvent bénéficier des revenus liés au commerce de leurs produits. Non seulement elles s’organisent entre elles pour gérer leur argent mais la culture Diola protège en plus leur autonomie financière et patrimoniale. La femme hérite comme l’homme de certains lots de terre pour faire pousser le riz. Chacun des membres du couple contribue aux revenus du ménage dans une forme d’association matrimoniale. L’homme laboure les champs du ménage et la femme repique le riz. C’est surtout la femme qui s’occupe des enfants mais l’homme fait la cuisine quand sa femme est trop occupée aux champs. Plus symbolique, les pagnes en coton utilisés pour les cérémonies religieuses sont traditionnellement filés par les femmes et tissés par les hommes.

 

Marie Joséphine a l’intention de développer la commercialisation des pagnes qu’elle et son mari fabriquent. Elle sait comment financer l’activité grâce à un prêt du groupe de femmes auquel elle appartient. Il ne lui manque plus que le réseau de distribution et peut-être que nous pourrons l’aider avec le projet Open Village. Affaire à suivre…

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